Aux termes de l’article L. 48 du Code électoral, sont applicables à la propagande les dispositions de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, à l’exception de son article 16 (relatif à l’affichage « des professions de foi, circulaires et affiches électorales »). Attention donc aux sanctions pour diffamation ou pour injure. Ces faits ont pour conséquence d’entraîner une sanction pénale, mais aussi l’annulation de l’élection s’ils ont eu pour conséquence d’altérer la sincérité du scrutin.
Qu’est-ce qu’une diffamation ?
Constitue une diffamation « toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé ». La diffamation est ainsi constituée de cinq éléments que nous allons analyser successivement.
Une allégation ou une imputation
La notion d’allégation signifie reprendre, répéter ou reproduire des propos ou des écrits attribués à des tiers et contenant des imputations diffamatoires, même sans citer les sources avec précision ou sans attribuer les propos à une personne déterminée (Cass. Crim., 5 janvier 1950) : « il se dit dans les milieux bien informés que... » ; «tout le monde sait que... ». La notion d’imputation revient à affirmer personnellement un fait en prenant la responsabilité du propos.
Un fait déterminé
L’imputation ou l’allégation doit porter sur un fait, ce qui permet de distinguer la diffamation de l’injure qui ne renferme l’imputation d’aucun fait. Un fait étant susceptible de preuve, l’article 35 de la loi du 29 juillet 1881 autorise l’auteur du propos diffamatoire, prévenu, à rapporter la preuve des imputations diffamatoires (possibilité qui n’est évidemment pas ouverte en matière d’injure où il n’y a rien à prouver). La mise en œuvre est cependant délicate car la frontière entre l’injure et la diffamation est difficile à tracer.Les solutions dégagées par le juge sont propres à chaque espèce. Cette mise en œuvre est d’autant plus délicate qu’une erreur de qualification des propos emporte comme conséquence l’échec des poursuites.
Une atteinte à l’honneur ou à la considération
Porter atteinte à l’honneur ou à la considération de quelqu’un c’est, par exemple, lui imputer des manquements à la probité, des infractions pénales, des comportements moralement inadmissibles.
Ainsi, par exemple, un élu municipal, qui a été condamné avec sursis et à une amende pour recel d’abus de biens «vol de la communauté à plusieurs reprises ». La Cour de cassation a considéré que cette accusation de « vol de la communauté à plusieurs reprises » procède d’une dénaturation de la portée et du contenu du jugement, lequel contient comme motif de la condamnation de l’élu concerné « le fait d’avoir, courant 1996, bénéficié gratuitement pour lui et les membres de sa famille des prestations d’un garagiste et de fournitures de carburants réglées par le dirigeant d’une société de nettoyage en échange notamment d’informations sur des marchés publics de la commune ».
Cette dénaturation de la décision judiciaire rend diffamatoires envers l’élu les termes cités en lui imputant
faussement des faits qui, par leur outrance par rapport aux faits réellement commis par l’intéressé, portent atteinte à l’honneur et à la considération de l’élu, à l’époque conseiller municipal, et explicitement visé en sa qualité d’élu de la commune par le rédacteur du tract. Ici, la diffamation a consisté à imputer délibérément des faits inexacts sous couvert d’informer la population locale d’une condamnation pénale infligée à un de ses élus.
Source : Cass. Crim., 30 mars 2005, n°03-84621.
Une personne ou un corps diffamé(e)
La diffamation sanctionne des imputations visant précisément des personnes physiques ou morales (en les nommant donc expressément). La diffamation est aussi punissable si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l’identité est rendue possible par les termes des discours ou écrits. Cette identification se fait alors à l’aide d’éléments tirés du support matériel de la diffamation. Ainsi, une personne désignée par « on » a pu être identifiée par le contexte comme étant l’adversaire politique du diffamateur (Cass. Crim., 6 octobre1992).
Une publicité
La publicité donnée aux imputations ou allégations diffamatoires constitue un élément du délit. A défaut, elles seront réprimées comme contravention de l’article R. 621-1 du Code pénal. La publicité résulte de l’un des moyens énoncés à l’article 23 de la loi du 29 juillet 1881 : paroles, écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes, images, et d’une façon plus générale tout support de l’écrit, de la parole et de l’image et tout moyen de communication électronique. Ce critère suppose des paroles prononcées ou des écrits vendus, distribués ou exposés dans les lieux ou réunions publics. Ainsi, il y a publicité lorsque les propos diffamatoires sont tenus à haute voix dans un lieu public par nature comme, par exemple, une rue, une place, une promenade, une terrasse de café ou de restaurant.
De même, il y a publicité lorsque les écrits ou les paroles ont été distribués ou prononcées dans des lieux publics par destination comme par exemple des bâtiments administratifs aux heures d’ouverture au public. Dans ce cas, le juge tient compte aussi de la composition des auditeurs des propos diffamatoires ou des destinataires des écrits litigieux. La Cour de cassation estime que la publicité fait défaut si les imputations diffamatoires restent ignorées des personnes étrangères à ce groupe restreint d’auditeurs ou de lecteurs. Ainsi, il n’y a pas publicité lorsque les écrits litigieux sont distribués aux seuls membres d’un parti politique (Cass. Crim., 27 mais 1999). La diffamation, si elle est avérée, sera alors qualifiée de privée, ce qui est une contravention et non plus un délit. La Cour de cassation juge également qu’il n’y a pas publicité lorsque la distribution de tracts a été faite « à un groupe de personnes liées par une communauté d’intérêts » (Cass. Crim., 13 mai 1986, Bull. n°112). Les membres d’un parti politique ont été considérés unis par une communauté d’intérêts (Cass. Crim., 27 mai 1999, précité), tandis que les conseillers municipaux chargés de la gestion des affaires générales de la commune ne l’ont pas été (Cass. Crim., 3 juin 1997, Bull. n°218 ; Rev. sc. crim. 1998).
Les peines encourues
L’auteur d’une diffamation publique envers les cours, les tribunaux, les corps, les armées de terre, de mer ou de l’air, les corps constitués (conseils municipaux par exemple) et les administrations publiques encourt une peine de 45 000 €d’amende. La même peine est encourue lorsque la diffamation publique est commise, à raison de leurs fonctions ou de leurs qualités, envers un ou plusieurs membres du ministère, un ou plusieurs membres de l’une ou de l’autre Chambre, un fonctionnaire public, un dépositaire ou agent de l’autorité publique, un ministre de l’un des cultes salariés par l’Etat, un citoyen chargé d’un service ou d’un mandat public, temporaire ou permanent, un juré ou un témoin, à raison de sa déposition. La diffamation commise envers les particuliers est punie d’une amende de 12 000 €.
L’auteur d’une diffamation non publique encourt une
peine de contravention de 1ère classe, soit 38 €.
Sources : art. 23, 29, 30, 31 et 32 de la loi du 29/07/1881.
Qu’est-ce qu’une injure ?
Est une injure « toute expression outrageante, terme de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation
d’aucun fait » (art. 29 de la loi du 29 juillet 1881). Ont par exemple été considéré comme relevant de l’injure au sens de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881, les expressions « manipulateur », « menteur », « bonimenteur » dont était affublé un maire candidat (Cass. Crim., 30 mars 2005, n°04-85709). Le délit d’injure suppose la même publicité que la diffamation (voir plus haut) L’injure contenue dans une lettre
missive concernant un tiers, conserve donc un caractère confidentiel exclusif de toute publicité (Cass. Crim., 17 janvier 1995, Droit pénal 1995, comm. 120). Comme en matière de diffamation, la répression dépend de la qualité de la victime. L’injure publique envers, d’une part, les cours, les tribu-
constitués, les administrations publiques, et d’autre part, à raison de leurs fonctions ou de leur qualité, un ou plusieurs membres du ministère, un ou plusieurs membres de l’une ou de l’autre Chambre, un fonctionnaire public, un dépositaire ou agent de l’autorité publique, un ministre de l’un des cultes salariés de l’Etat, un citoyen chargé d’un service ou d’un mandat public, temporaire ou permanent, un juré ou un témoin à raison de sa déposition est punie d’une amende de 12 000 €.
L’injure publique commise envers les particuliers, lorsqu’elle n’est pas précédée de provocations, est punie
d’une amende de 12 000 €. L’injure non publique est punie d’une amende de 38 €.
Eric Landot et Thomas Charat
Avocats au Barreau de Paris
Cabinet Landot & Associés
eric.landot@landot-avocats.net
Attention !
Les imputations diffamatoires en période électorale ne souffrent d’aucune exception.
La circonstance que les imputations diffamatoires se sont produites au cours d’une campagne électorale n’en modifie pas le caractère. Aucune exception n’est apportée en pareil cas aux dispositions pénales.
Sources : Cass. Crim., 8 janvier 1985, D. 1985, IR 286.
Extrait de la décision
«Attendu qu’à l’occasion de la campagne électorale à laquelle ont donné lieu les élections municipales de x, le périodique de la municipalité sortante a publié un supplément consacré à A, tête de liste d’opposition ; qu’en s’estimant atteint dans son honneur et sa considération, par les propos contenus dans le supplément en question, Monsieur B a cité directement devant le tribunal correctionnel Monsieur C, directeur de la publication ;
Que le souci, de la part de l’auteur d’un écrit le mettant en cause, de renseigner les électeurs sur ses antécédents peut être constitutif de bonne foi s’il est justifié par la liberté d’opinion ou par les nécessités de polémiques légitimes (…) »